7.
« Ôtez votre coiffe et mettez-vous à l’aise », dit aimablement le colonel Harris.
Blick émit un grognement affirmatif. « Plutôt lourd, cette affaire. Pendant que j’y suis, j’ai bien envie de changer quelques règles concernant l’uniforme.
— Vous vouliez me dire quelque chose ?
— Ouais, fit Blick. Vous semblez croire que l’I.G. va vous tirer de ce mauvais pas. Exact ?
— Cela ne m’étonnerait pas, en effet.
— Moi, ça m’étonnerait plutôt. La semaine dernière, je suis allé faire un petit tour à l’arsenal. J’y ai découvert quelque chose qui m’a beaucoup intrigué. Vous savez de quoi je veux parler ?
— Je peux l’imaginer, dit le colonel.
— Et alors, il m’est soudain venu à l’idée que c’était vraiment une heureuse coïncidence que l’inspecteur général arrive toujours au moment où vous avez besoin de lui.
— C’est en effet curieux, à y bien réfléchir.
— Il m’est également venu une autre idée. Je me suis dit que si je commandais cette unité et si je voulais maintenir la discipline chez mes hommes, le meilleur moyen d’y parvenir serait de faire apparaître de temps à autre un symbole visible du Q.G. impérial.
— Cela paraît logique, acquiesça Harris. D’autant plus que l’aumônier s’est mis à prêcher qu’après leur mort les bons Marines vont au Q.G. impérial – s’ils ont respecté la discipline de leur vivant. Mais comment vous y prendriez-vous ?
— Exactement comme vous. Je mettrais une de ces anciennes armures de combat, me faufilerais dehors une fois la nuit tombée et monterais à deux ou trois mille mètres. Ensuite, j’allumerais mes phares d’atterrissage et descendrais majestueusement jusqu’au terrain d’exercice pour passer les troupes en revue. » Blick regarda le colonel avec un large sourire.
« Cela pourrait marcher, reconnut celui-ci. Je croyais pourtant que ces tenues étaient si lourdes qu’elles rendaient tout mouvement au sol impossible ; quant à voler… »
Le sourire de Blick se fit triomphal. « Pas si l’on y adjoint une source d’énergie ! Imaginez que quelqu’un monte dans la tour de l’arsenal et force la serrure de la petite porte sur laquelle l’on peut lire “Danger ! Accès strictement interdit”… il y trouverait une pile de petits cubes brillants, qui ressemblent étrangement aux dessins de modules énergétiques que l’on voit dans les manuels.
— C’est bien possible », dit le colonel.
Blick se carra dans son fauteuil. « Vous n’êtes pas inquiet, on dirait ? »
Harris secoua la tête : « Je l’ai été un moment, lorsque je croyais que vous aviez mis les autres officiers au courant, mais plus maintenant.
— Vous avez tort ! Lorsque l’I.G. arrivera, je serai à l’intérieur de l’armure. Un ordre nouveau régnera ici, et je lui donnerai la sanction de l’autorité suprême. Lorsque l’I.G. parle, tout le monde obéit ! »
Il guetta l’expression de Harris, s’attendant à le voir consterné. En fait, le colonel se retenait à grand-peine de rire. « Blick, dit-il, une grosse surprise vous attend !
— Que voulez-vous dire ? demanda l’autre avec méfiance.
— Simplement que je vous connais mieux que vous ne vous connaissez vous-même. Autrement, vous ne seriez pas mon second, Blick. J’ai la nette impression que le régiment vous changera davantage que vous ne changerez celui-ci. Et maintenant, si vous voulez bien m’excuser… » Ce disant, il s’apprêta à sortir. Blick s’interposa entre lui et la porte.
« Ne vous donnez pas la peine, lui dit le colonel avec affabilité. Je connais le chemin de la prison. Et puis, des tâches plus importantes vous attendent, n’est-ce pas ? »
Blick regarda le colonel sortir, très digne, avec une intense stupéfaction. « J’y comprends rien, marmonna-t-il, j’y comprends absolument rien ! »